Page:Rosny - Les Profondeurs de Kyamo, 1896.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laissé arracher, dans un de ces moments d’inexplicable faiblesse que nous avons tous. Je ne m’en repentis, d’ailleurs, pas. Le pays était adorable, pays de vieille Celtique où, depuis trois mille ans, poussaient les générations de chênes sacrés, où d’immenses dolmens et de merveilleuses « galeries couvertes » apparaissaient dans les éclaircies, — et, justement, je m’occupais d’établir un point de l’histoire des temps préhistoriques. De plus, mon comte romain avait une si ravissante jeune femme que le seul plaisir de vivre quelques jours à côté d’elle eût compensé tous les ennuis. Je parle au sens le plus pur. Si peu que j’estimasse mon hôte, c’était mon hôte : je me serais méprisé de seulement songer à le trahir. Le charme de l’exquise créature n’en agissait pas moins sur ma fibre et me rendait légères les heures du jour et du soir. Sa chère silhouette au crépuscule, les yeux les plus doux et les plus fins, un incomparable sourire joint à la plus parfaite intelligence du geste et du mouvement — elle symbolisait tout ce qui remplit la guerre des hommes, et leur vœu, depuis les forêts primitives.