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— Vous ! Mais je n’oserais pas vous aimer, pas plus qu’un mystique n’oserait aimer la Vierge.

— Mais si vous osiez ?

— Si j’osais, il faudrait que je croie que vous puissiez me le permettre, et alors je donnerais ma vie pour un mois de votre amour !

Je lui pris la main avec douceur et je le regardai bien en face :

— Vous venez de dire combien le matin de ce jour vous semblait loin déjà… Il y a de ces moments où tout va si vite qu’une heure vaut des semaines… et cela a été ainsi, ce jour, pour moi comme pour vous… Ce matin j’étais votre amie, et ce soir, je ne sais comment cela s’est fait, mais voici que j’ai un plaisir nouveau à me trouver avec vous… et tel que je suis sûre de vous aimer, sinon maintenant, du moins avant qu’il soit peu !…

Je n’ai plus jamais vu ce ravissement sur un visage humain, cette joie prodigieuse, infinie, et tandis qu’il s’agenouillait pour me baiser les mains, je sentis que je venais de réparer tous les péchés qu’avait pu commettre Marie-Magdeleine.