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effet ce doit être affreux pour un pauvre homme sensible, bon et pas bête comme était celui-ci, pour un pauvre homme qui n’a ni fortune ni renom, qui végète humblement dans son coin, de n’avoir jamais eu le grand trésor qui console de toutes les misères et qui fait seul que la vie est la vie ! J’en fus touchée jusqu’au bouleversement, jusqu’aux larmes, et mon parti fut pris immédiatement :

— Ne désespérez pas, lui dis-je… la vie est laide, mais elle a ses grâces qui rachètent tout ! Peut-être un jour…

Il sourit avec une tristesse affreuse :

— Ma destinée est close !

— Écoutez, repris-je, votre confidence m’a profondément touchée. Elle m’a si bien ouvert votre âme, qu’il me semble depuis longtemps être votre amie. Ne voulez-vous pas que nous passions la journée ensemble ? Je vous emmènerai à la campagne, j’essayerai de vous faire un peu oublier.

Une gratitude infinie se peignit sur son visage, mêlée d’étonnement et de timidité.

— Mon Dieu ! fit-il à voix basse… est-il possible que vous, si jeune, si belle, ayez pitié d’un paria d’amour !