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petit. Jacques C… était pâle comme un mort, les yeux creux et fixes ; de grosses larmes coulaient sur ses joues. Il sursauta à mon entrée ; le cœur me poignit en rencontrant son regard de misère. Je ne dis pas une parole, mais je pense, la pitié, la sympathie éclatèrent si vivement sur mon visage que le pauvre homme saisit ma main et la serra d’un mouvement désespéré.

— Contez-moi tout, fis-je enfin.

Et le pauvre diable se mit à me raconter la confuse aventure : la nuit d’attente, la lettre du matin où l’on avait l’insolence de lui envoyer un adieu éternel, son désespoir. Je l’encourageais, je lui jetais des regards que je ne jetterais pas à ce daim de Genest pour mille louis, et peu à peu il en vint à me conter sa jeunesse timide, le peu d’amour — et si douteux ! — qu’il avait connu, enfin sa tendresse pour cette femme :

— Et je crois, disait-il d’une voix sombre, qu’elle ne m’a jamais aimé… je le sens aujourd’hui comme une certitude au fond de mon être. Je ne puis dire à quel point cela me désespère… combien je me sens déchu et misérable d’être venu au monde sans avoir une seule fois été aimé !

Je sentis la profondeur du cri, et combien en