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Madge répondait à cet amour de la réprouvée. Elle était toute joie à sa venue, allait au-devant d’elle, bégayante, tirait ses jupes, insistait pour donner un baiser de ses petites lèvres fraîches sur la face croûteuse de son amie. Et l’autre palpitait de joie ; toute une vie de tendresses refoulées, d’expansion écrasée par les moqueries et les mépris revenait dans son triste regard.

Or, un matin glacé, Harriet laissa Madge seule pour aller chercher du pain, des pommes de terre et un quart de beurre. Elle comptait être absente trois ou quatre minutes seulement. Madge jouait avec une feuille de chou et trois pelures de carotte. Harriet ferma la porte négligemment et descendit en courant. Chez le marchand de beurre, il fallut attendre quelques minutes, la boutique étant encombrée. Lorsqu’elle revint, la porte était large ouverte et Madge partie.

La jeune femme fit trois ou quatre fois le tour de la chambre, d’un regard fou, dilaté, laissa rouler par terre le pain, le beurre et les pommes de terre et poussa un cri bas, effrayé. Tout à coup il lui parut entendre le rire aigu de Madge. Elle écouta. C’était en bas, dans la cuisine, chez mistress Barrow.