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LE MONSTRE


À F. V. Griffin et H. de Régnier.

I

Harriet Irondale, en descendant l’escalier avec sa petite fille Madge, rencontrait souvent un monstre, une femme au visage dévoré par un mal si hideux que le cœur défaillait en la regardant. Cette femme cachait d’ordinaire son visage sous un grand voile noir. Sa laideur lui avait valu de passer pour sorcière dans le voisinage ; l’horrible lèpre, au bas peuple, semblait le signe d’une puissance souterraine. On l’accusait de marmotter des sorts, de faire manquer les mariages, de donner des maladies et de rendre fous les enfants. Harriet rêvait d’elle, la nuit, dans ses cauchemars : elle était poursuivie à travers des rues branlantes, sur des ponts, aux rives de vieux canaux, dans des brouillards, tenant Madge désespérément contre elle, tandis qu’un pas étouffé venait derrière, infatigable. Elle finissait