Page:Rosny - Les Profondeurs de Kyamo, 1896.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais pourquoi les nuances — il y eut un accent de vive pitié dans ma voix. Alors les larmes vinrent au blême visage.

— Ah ! murmura la pauvre fille, j’avais cependant renoncé à l’amour… j’avais accepté la vie sans espérance… la mort avant la mort !

Ses larmes coulèrent plus vives, ses mains se joignirent, et d’un accent plus bas, entrecoupé, venu des abîmes de l’être :

— Si, une fois seulement, — mais, enfin, une fois… je pouvais être comme une autre femme… une fois être à vous… il me semble que ce miracle me rendrait la vie supportable… que ce souvenir serait une impérissable consolation…

Elle se cacha la figure ; je lui dis adieu doucement. La nuit commençait de descendre. Sur le bord du torrent, je méditais ce grand aveu : Une fois… un miracle ! Mais ce miracle dépendait de moi, de ma pitié, de ma miséricorde.

À mesure que tombait l’ombre, il me venait quelque chose de fort, d’austère, d’infiniment charitable. Mon cœur battait d’une résolution grandissante, et, comme je passais par l’Abri des Chamois, je me sentis tout soudain décidé.

Je rentrai lentement, toujours plus plein de charité, mais aussi, hélas ! dans une froideur