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répandit sur elle et la rendit plus affreuse. Une imploration poignante, une prière infinie ne cessèrent de paraître sur son visage, qui chassaient d’autant plus toute idée sexuelle. À part qu’elle semblait saine, tout en elle portait au dégoût.

Bouche rentrante comme un nombril, joues à bajoues l’une beaucoup plus grosse que l’autre, oreilles pointues et velues, cou de dindon, rouge, peau grenue, yeux minuscules et gonflés de chair molle — en vérité, dix ans de tête-à-tête dans une île déserte n’auraient pu la rendre acceptable.

Elle ne m’en aima que plus formidablement. Elle se consuma, elle maigrit. On l’entendait se remuer la nuit, dans l’insomnie, et pleurer même, car tout s’entend dans ces chalets de bois aux échos délicats. Bientôt, elle devint faible au point de ne presque plus pouvoir marcher, et, littéralement, elle se mourait de faim. J’avais pitié d’elle, mais l’idée seulement de la moindre caresse… ah ! tout mon cœur se révulsait.

Un soir, au crépuscule, elle était étendue sur une chaise d’osier, au bord du joli pré plus fleuri encore qu’herbeux. Je me trouvai seul auprès d’elle. Je m’informai de sa santé et — on ne sait