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dans la montagne — un val exquis traversé d’un torrent bien sauvage, qu’on entendait délicieusement, la nuit, en s’endormant. Tout autour d’immenses murailles et ces cols neigeux, par-dessus les nues, qui se découvrent si doux et clairs quand le crépuscule les frappe. Quelques bonnes gens, quelques solitaires villégiaturaient là sans prétention, dans les deux chalets du père Vernaz, et, parmi eux, une jeune fille près de passer vieille fille, et d’une laideur extraordinaire.

J’y vécus quelques mois une vie exempte de passions, me contentant de descentes dans une ville voisine, chaque quinzaine environ. Mes forces, un peu ébranlées, se refirent merveilleusement, au point que je ne tardai pas d’être un des meilleurs grimpeurs du pays et l’un des plus acharnés exploreurs de névés et de glaciers. Je me liai avec des gens frustes, voire avec les hôtes du père Vernaz, et il m’arrivait de causer parfois avec la jeune fille si laide, sur le seuil de notre chalet. La malheureuse avait le cœur tendre, et puis j’étais vraiment séduisant, vraiment de ceux qu’on aime, — hélas ! je puis bien le dire à mon âge ! Elle m’aima donc : ce fut aussi fou qu’horriblement triste. La lueur de l’incendie se