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lèrent, puis une voix mugit, d’autres suivirent. Alglave, avec une joie profonde, constata qu’on ne l’avait pas vu.

Ils sont assez les maîtres de la forêt pour ne pas se troubler vite. Depuis tant de siècles de domination, comme leur sécurité doit être grande ! Immobile, il les admira. C’étaient des colosses, de superbes organismes musculaires. Certains devaient avoir trois fois le poids d’un homme, quoique leur hauteur dépassât à peine la moyenne humaine. Mais leurs jambes étaient courtes, leur poitrine énorme, profonde, herculéenne. Leurs bras devaient étouffer les lions, terrasser les rhinocéros.

Alglave se sentit un singulier orgueil. En ces bêtes athlétiques, il fut heureux de reconnaitre le prototype de l’homme primitif, il fut heureux de se dire que notre ancêtre n’avait pas été, à l’origine, l’animal faible, nu, désarmé, des vieilles théories, mais un redoutable adversaire physique des grands fauves. Nos aïeux d’avant la Parole furent puissants de muscles, formidables dans la lutte corps à corps, avant de dominer le monde par le cerveau. Sans affirmer que leur pouvoir de combat immédiat fût à la hauteur de leur victoire intellectuelle, sans dire qu’ils furent