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III

Je restai une minute effaré, assommé. L’image des deux amies se profila sur ma rétine ; il me vint un violent recul en pensant que celle qui était là, dans l’ombre, c’était la laide.

— Mais la voix parla encore, en son étrange et magnifique volupté :

— Je devais seulement vous dire que mon amie est fiancée… et que, même si elle vous avait aimé, — votre situation de fortune ne répondrait pas à ses vœux… à ce qu’elle a droit de rêver… Hélas ! au moment d’accomplir ma mission, une folie m’est venue… le désir de connaître ce que je ne connaîtrai peut-être jamais plus… un baiser de l’être aimé… Vous qui, après la douleur de cette désillusion, — dans deux, trois mois, — retrouverez des lèvres chéries et amantes, pardonnez… puisez dans votre chagrin même l’excuse de ma conduite… Songez combien ma peine est plus amère encore que la vôtre…

À mesure qu’elle parlait, ce fut une révélation : je vis clairement la folie de nos esthétiques