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poussant doucement la porte, je vois une forme indécise dans le magique entour des ténèbres, Alors la voix se tait ; je sens qu’il est à deux pas un cœur qui palpite aussi fort que le mien. Je voudrais parler, je ne puis, — le délice m’étouffe, me terrasse. Et voici une petite main, une peau si fine au toucher, — telle la colombe blanche qu’un jour d’enfance mon père me permit de garder une minute, — puis une fraîche haleine, une impression magnétique de délicatesse, de fini, d’euphonie, une odeur de chevelure aussi, vivante, attirante, amoureuse… D’un élan, je pris contre mon cœur cette chose délicieuse, cette divine sœur humaine que le destin m’offrait pour doubler ma vie. Dans un long baiser, il me sembla cueillir une âme… Un silence ; deux bras craintifs qui m’arrêtent, me supplient de n’abuser point de la trouble minute, — et dans cette pause, la sensation que jamais la nature ne créa un être dont le contact fût si doux, la chair si parfaitement désirable et pure. Puis je parle, je balbutie, au hasard de l’âme, l’adoration et la joie. Elle écoute, soupire, et tout à coup un sanglot :

— Pardonnez-moi… je vous ai trompé… je ne suis pas celle que vous croyez…