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insupportables. Comme elle ne faisait pas un pas sans l’autre, il était incommode de lui exprimer mes sentiments, — d’autant que j’éprouvais une manière de crainte mystérieuse devant la laide.

Je résolus de me confier à l’écritoire. Un après-midi, je glissai, sous la porte des voisines, une lettre au nom de l’aimée, où palpitait l’éloquence de mon jeune amour.

Quelques heures plus tard, elles rentraient. Il y eut une discussion étouffée, — puis, après le crépuscule, je distinguai qu’une seule sortait, descendait l’escalier, que la porte demeurait entre-bâillée. Mon cœur sonna frénétiquement, — moitié triomphe, moitié épouvante, — et voici que s’éleva une voix tremblante, jolie comme une cordelle d’argent, qui chantait :

La ténèbre et l’astre qui tremble,
S’emmêlent au désert des cieux,
Et dans les cœurs mystérieux
La mort et l’amour vont ensemble…

Je demeurai saisi. La voix de l’aimée était voluptueuse comme ses hanches, brillante comme sa chevelure, — et si tendre, si pathétique, que chaque fibre s’imbibait d’émotion à son passage. Immobile d’abord, j’approche à pas étouffés et,