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belle, d’un beau, qui n’étaient beaux que de forme et de nuance, des créatures humaines bien plus difficiles à réaliser par la nature, bien plus complexes à ourdir ! Oserai-je me féliciter de ce que le hasard m’ait offert une de ces jouissances que je prophétise pour l’avenir ?

II

J’habitais alors rue de Varennes, au quatrième, une assez gentille garçonnière, et j’avais noué connaissance avec deux jeunes filles qui vivaient sur le même carré. Connaissance bien superficielle, qui se bornait à quelque sourire, quelque rapide bonjour à mi-voix. L’une était la belle, l’autre la laide. La belle avait une toison fauve, ardente, qui luisait comme bronze neuf, des yeux d’Arménienne, des épaules et des hanches à se mettre à genoux, — tout ce qu’il faut, avec un grain de ruse, pour se faire une éclatante destinée de courtisane ou d’épouse. La laide avait la peau terne, un nez trop grand, les joues tristes, le menton mélancolique, le corps quelconque. Tout un hiver je couvai mon amour pour la belle, — et au printemps, son voisinage rendit mes nuits