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présence de mon bourreau. J’eus un moment de doute, d’hésitation. Lui, de ses gros yeux noirs, me scrutait, me pénétrait jusqu’au fond de l’âme.

— Oui, oui, pensai-je… tu me trouves plus près de la tombe encore… peut-être es-tu prêt à me répéter tes féroces paroles…

Mon cœur se mit à battre, la fureur me revint, tandis qu’il demandait :

— Vous désirez, monsieur ?

— Misérable ! m’écriai-je… ne me reconnais-tu pas ?… Je suis celui que tu as condamné à mort… et ce n’est pas en patient que j’arrive… c’est en justicier…

Il pâlit un peu, il recula. Mais, comme c’était un homme violent, bien vite la crainte fit place à la fureur. Ses yeux luisirent, il cria :

— Sortez à l’instant, — ou je vous fais jeter à la porte.

Il poussa un bouton, j’entendis un timbre retentir dans une chambre prochaine. Je compris que j’avais une demi-minute à peine. D’un élan, je revis toutes les raisons que j’avais de le tuer, je pesai tous les arguments, comme, dit-on, un homme asphyxié aperçoit toute sa vie. Et quoique je fusse pressé par le temps, quoique