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avaient abusé de leur puissance seigneuriale. Il m’avait lâchement condamné à mort ; il avait osé… osé !… osé cela !

Et mon cœur bouillait en y songeant et s’épuisait de fureur contre le lâche meurtrier. Son crime finit par m’apparaître inexpiable. Toute autre haine fut mesquine en comparaison de celle que je lui vouai. Il fut le principe du mal, le Satan, l’ennemi de toute vie. Dans mes insomnies, couvert d’une sueur d’angoisse et de rage, je murmurais à satiété :

— Quoi ! tu étais devant lui, faible et désarmé… tu allais lui confier ton pauvre être souffrant, plein de terreur… il te voyait pâle et tremblant… il savait qu’il ne pouvait en ce monde que te rester un peu d’espérance… il le savait et il a prononcé ta condamnation, il t’a jeté dans l’enfer d’une agonie perpétuelle, alors qu’il était si facile de te tromper, de te donner la douce, l’adorable illusion de la guérison possible… Ah ! ah ! il a osé brutaliser ta pauvre âme… il a osé te dire l’infâme vérité… il a osé !

Je me retournais fiévreusement sur ma couche trempée. Il me semblait impossible de mourir sans vengeance ; il me semblait devoir à la justice, aussi bien pour moi-même que pour d’autres