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étouffés. À mesure qu’il approche, la clameur se fait plus haute, moins comparable à du tapage humain. Plutôt est-elle grondante comme celle des buffles, aboyante comme celle de grands dogues. Elle s’apaise parfois, pour reprendre plus haute, formidable.

Aglave eut un instant d’hésitation. Comment calculer le péril ? La mort peut-être, et comment l’éviter s’il approchait trop ? Vaines raisons ! Sa curiosité devint excessive, presque morbide. Il avait la certitude d’approcher d’un mystère, d’une scène inconnue de tous les savants du monde et qui, de plus, se rapportait au grand anthropoïde.

Il avança donc, il avança malgré lui, malgré toute raison, toute sagesse. Le voici à portée de la vue. À travers les ramures d’un baobab, il voit une troupe d’êtres noirs, velus, de grande taille, mais indéterminables encore. Il faut approcher, il faut voir. Toute prudence l’abandonne ; sa curiosité est devenue une ivresse, une auto-suggestion : rien ne le fera reculer. Il épie, il s’oriente. Là-bas apparaît un tronc énorme, creux, fissuré ; son œil de botaniste lui dit qu’il existe d’autres fissures, dans la direction opposée, révélées par des effets de lumière et par les-