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il ne le savait guère ; il y songeait, tête basse, front contracté.

Mais, comme toujours, chez ceux qui, ayant connu beaucoup d’aventures, en savent les vicissitudes, il dut finir par espérer quelque hasard, un de ces hasards dont ne profitent, au reste, que les hommes de volonté et de flair.

Tandis qu’il rêvait à ces choses, une clameur lointaine le fit tressaillir. Il se leva en sursaut, il regarda.

Dans la lueur incertaine, verdâtre, tremblotante, les branchages, les lianes, les fûts des arbres séculaires, à peine s’il voyait à deux cents pas. Cet horizon court ajoutait à l’impression de vitalité saisissante, d’occulte et noire puissance, et comme d’âmes antiques, flottant dans l’atmosphère alourdie, comme d’une infinité de forces organiques, mortes ou en formation, électrisant ce terreau où la forêt s’était reproduite peut-être dix mille fois depuis les âges tertiaires.

La clameur continua, vaguement ressemblante au bruit d’une foule humaine. L’oreille tendue, Alglave cherchait à l’analyser. Quoiqu’il ne fût pas sans appréhension, je ne sais quelle force l’entraînait, irrésistible.

Machinalement, il se mit en marche à pas