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digitales, et son cœur avait battu, tandis qu’il tâtait involontairement les revolvers dissimulés dans ses poches.

Il fouillait les pénombres d’un regard trop attentif, trop fébrile. Plusieurs fois il avait eu un peu d’hallucination, cru apercevoir la large face noire, le crâne à cheveux rares, les énormes bras velus d’un gorille : mais de réalité, aucune.

Las, il s’assit sur une racine géante, il réfléchit. Malgré le nerveux malaise de la forêt, la sensation d’être aussi loin de tout secours, de toute humanité, que s’il avait été à mille lieues au fond d’un désert, sa résolution n’avait pas bronché. Au rebours, plutôt. Il se sentait un désir plus indomptable, une curiosité plus extrême de connaître les mystérieux souverains de Kyamo, étant de la lignée de ceux dont l’ardeur s’éveille devant l’obstacle, dont la volonté se double par la crainte. Au simple projet primitivement formé de voir, d’observer quelques gorilles dans leurs habitats, se substituait lentement une pensée plus étendue : vivre parmi eux pendant que Kamstein et Hamel contourneraient Kyamo, être pour une saison un des leurs, admis volontairement parmi leurs peuplades.

Par quel stratagème, par quel acte y parvenir,