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intolérable. Pour la conquérir, il a su réfréner sa grossière impatience, dompter ses frénésies et dissimuler sa rudesse. Il n’a montré que sa tristesse. Humble et sombre, il parut un grand drame humain, il apporta l’infini de l’inquiétude, le sacrifice et cet air de vouloir mourir qui bouleverse les femmes. La brièveté des entrevues, leur allure craintive et furtive, loin de le desservir, lui furent salutaires ; elles permettaient une extrême densité d’émotion, elles dissimulaient les maladresses, les fissures, la lie des âmes, elles arrangeaient les paroles incomplètes et donnaient un sens subtil ou mystérieux aux jeux du visage… Il eut encore pour lui l’enfance de Sabine et les vicissitudes. Elle connaissait trop, par la vie ravagée du père, l’histoire des souffrances injustes, la légende des grandeurs méconnues. Les traits de l’homme, son accent, ses gestes, sa manière haletante, les pâleurs ardentes de la jalousie correspondaient étrangement à cette légende. Sabine était saisie jusqu’au tremblement par la pen-