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— Je l’ai su ! J’ai partagé votre souffrance.

— Nous avons fini, sinon par le connaître, du moins par vivre en partie selon sa nature. Cette étendue étrange où il existe, cette étendue sans surface et sans profondeur, comme je la sens bien, et cette durée alternative dont chaque pulsation remonte en partie vers le passé !… J’ai en moi son rythme plein, son rythme renouvelle toutes nos idées sur l’essence des choses…

— Ah ! fit-elle, je suis surtout frappée par sa tristesse. Il se sait en exil, en exil à jamais, séparé de son monde par un inexprimable infini. Sa douleur se reflète en moi et je l’ignorais d’abord, car j’ignorais l’être lui-même ; puis, la communication s’est faite. Je pense, je vis avec lui !

— Lui aussi nous ignorait !… N’est-ce pas une de nos sensations les plus saisissantes de le percevoir peu à peu conscient de notre existence et s’attachant à nous ?

— Oh ! oui, soupira-t-elle… Comme sa