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pas abattus comme j’ai abattu l’ours gris, la tigresse et les Dévoreurs d’Hommes ? Et me voici, aussi libre que le vent ! Mes pieds sont plus légers que les tiens, mon souffle est aussi durable que celui du mégacéros !

Quand il eut repris l’avance, il s’arrêta, il regarda venir Aghoo. Et il dit :

— Naoh ne veut plus fuir. Il prendra cette nuit même ta vie ou donnera la sienne…

Il visait le fils de l’Aurochs. Mais l’autre avait retrouvé la ruse : il ralentit sa course, attentif. La sagaie perça l’étendue. Aghoo s’était baissé, l’arme siffla plus haut que son crâne.

— C’est Naoh qui va mourir ! hurla-t-il.

Il ne se hâtait plus ; il savait que l’adversaire restait maître d’accepter ou de refuser la lutte. Sa marche était furtive et redoutable. Chacun de ses mouvements décelait la bête de combat ; il apportait la mort avec le harpon ou la massue. Malgré l’écrasement des siens, il ne redoutait pas le grand guerrier flexible, aux bras agiles, aux rudes épaules. Car il était plus fort que ses frères et il ignorait la défaite. Aucun homme, aucune bête n’avait résisté à sa massue. Quand il fut à portée, il darda le harpon. Il le fit parce qu’il fallait le faire : mais il ne s’étonna pas en voyant Naoh éviter la pointe de corne. Et lui-même évita le harpon de l’adversaire.

Il n’y eut plus que les massues. Elles se levèrent ensemble ; toutes deux étaient en bois de chêne. Celle d’Aghoo avait trois nœuds ; elle s’était à la longue polie et luisait au clair de lune. Celle de Naoh était plus ronde, moins ancienne et plus pâle.

Aghoo porta le premier coup. Il ne le porta pas de toute sa vigueur ; ce n’est pas ainsi qu’il espérait surprendre le fils du Léopard. Aussi Naoh s’effaça sans