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Car toute la contrée leur est familière. Ils ont parcouru depuis leur enfance ces bois, ces savanes, ces collines, franchi ces mares, campé au bord de cette rivière ou sous le surplomb des rocs. Encore deux journées de marche, ils atteindront le grand marécage que les Oulhamr rejoignaient après leurs rôderies de guerre et de chasse, et où l’obscure légende mettait leurs origines.

Nam rit comme un petit enfant, Gaw tend les bras avec un saisissement de joie, et Naoh, immobile, sent revivre une telle abondance de choses qu’il est comme plusieurs êtres.

— Nous allons revoir la horde !

Déjà tous trois en percevaient la présence. Elle était mêlée aux ramures d’automne, elle se reflétait sur les eaux et transformait les nuages. Chaque aspect du site était étrangement différent des sites qui se trouvaient là-bas, à l’arrière, dans l’immense Orient Méridional. Ils ne se souvenaient plus que des jours heureux. Nam et Gaw, qui avaient si souvent subi la rudesse des aînés, les poings de Faouhm au geste farouche, sentaient une sécurité sans bornes. Ils regardaient avec orgueil les petites flammes qu’ils avaient, parmi tant de luttes, de fatigues et de souffrances, gardées vivantes. Naoh regretta d’avoir dû sacrifier sa cage : une superstition vague traînait au fond de son cerveau. N’apportait-il pas, cependant, les pierres qui contiennent le feu, avec le secret de l’en faire jaillir ? N’importe ! Il aurait aimé, comme ses compagnons, garder un peu de cette vie étincelante qu’il avait conquise sur les Kzamms…

La descente fut rude. L’automne avait multiplié les éboulis et les fissures. Ils s’aidèrent de la hache et du harpon. Quand ils touchèrent à la plaine, le dernier obstacle était franchi ; ils n’avaient plus qu’à suivre des voies