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du jour. On les voyait jaillir de leurs retraites et s’avancer jusqu’à l’entrée de l’arête granitique, avec un singulier mélange de glissements et de sauts, puis, arrêtés, ils considéraient le marécage. L’un ou l’autre poussait un cri, mais les chefs gardaient le silence, attentifs. Au crépuscule, les corps rouges grouillèrent ; on eût dit, dans la lueur cendreuse, d’étranges chacals dressés sur leurs pattes de derrière. La nuit vint. Le feu des Oulhamr étendit sur les eaux une clarté sanglante. Derrière les buissons, les feux des assiégeants cuivraient les ténèbres. Des silhouettes de veilleurs se profilaient et disparaissaient. Malgré des simulacres d’attaque, les agresseurs se tinrent hors de portée.

Le jour suivant fut d’une longueur insupportable. Maintenant les Nains Rouges circulaient sans cesse, tantôt par petits groupes, tantôt en masse. Leurs mâchoires élargies exprimaient une opiniâtreté invincible. On sentait qu’ils poursuivraient sans relâche la mort des étrangers ; c’était un instinct développé en eux depuis des centaines de générations, et sans lequel ils eussent succombé devant des races d’hommes plus fortes mais moins solidaires.

Durant la seconde nuit, ils n’esquissèrent aucune attaque : ils gardaient un silence profond et ne se montraient point. Leurs feux mêmes, soit qu’ils ne les eussent pas allumés, soit qu’ils les eussent transportés au loin, demeuraient invisibles. Vers l’aube il y eut une rumeur brusque, et l’on eût dit que des buissons s’avançaient ainsi que des êtres. Quand le jour pointa, Naoh vit qu’un amas de branchages obstruait l’abord de la chaussée granitique : les Nains Rouges poussèrent des clameurs guerrières. Et le Nomade comprit qu’ils allaient avancer cet abri. Ainsi pourraient-ils lancer leurs sagaies sans