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son habitude, pour mieux veiller sur le troupeau et mieux scruter l’étendue. Il paissait des arbrisseaux dont la tête dépassait à peine le sol. Le fils du Léopard cueillit des racines de fougère comestible ; il trouva aussi des fèves de marais ; puis il se dirigea vers le grand mammouth. La bête, à son approche, cessa de ronger les arbrisseaux tendres ; elle agita doucement sa trompe velue ; même, elle fit quelques pas vers Naoh. En lui voyant les mains chargées de nourriture, elle montra du contentement, et elle commençait aussi à éprouver de la tendresse pour l’homme. Le nomade tendit la provende qu’il tenait contre sa poitrine et murmura :

— Chef des mammouths, les Kzamms n’ont pas encore quitté le fleuve. Les Oulhamr sont plus forts que les Kzamms, mais ils ne sont que trois, tandis qu’eux sont plus de trois fois deux mains. Ils nous tueront si nous nous éloignons des mammouths !

Le mammouth, rassasié par une journée de pâture, mangeait lentement les racines et les fèves. Quand il eut fini, il regarda le soleil couchant, puis il se coucha sur le sol, tandis que sa trompe s’enroulait à demi autour du torse de l’homme. Naoh en conclut que l’alliance était complète, qu’il pourrait attendre sa guérison et celle de Gaw dans le camp des mammouths, à l’abri des Kzamms, du lion, du tigre et de l’ours gris. Peut-être même lui serait-il accordé d’allumer le Feu dévorant et de goûter la douceur des racines, des châtaignes et des viandes rôties.

Or le soleil s’ensanglanta dans le vaste occident, puis il alluma les nuages magnifiques. Ce fut un soir rouge comme la fleur de basilier, jaune comme une prairie de renoncules, lilas comme les veilleuses sur une rive d’automne, et ses feux fouillaient la profondeur du fleuve : ce fut un des beaux soirs de la terre mortelle. Il ne creusa