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L’IMMOLATION

rablement violents. Pour les satisfaire, il n’hésitait pas à se rendre jusqu’à la ville prochaine. C’étaient des envies gourmandes, des convoitises de boissons et de mets délicats. Elles mûrissaient de longues heures dans son dense cerveau, devenaient peu à peu irrésistibles. Il partait alors, acquérait une bouteille d’anisette ou de crème de menthe, une tarte de pâtissier, des raisins secs, puis, les yeux aqueux, la bouche féroce, il se claquemurait dans sa chambre à coucher, fermait sa porte à double tour, se calait sensuellement dans un coin, sur le plancher, et, solitaire, égoïste et farouche, mangeait, buvait, sans jamais offrir une miette à sa fille.

Comme sa terre ne lui prenait guère plus de cinquante jours de soins par année, il se louait avec son cheval, le reste du temps, aux fermiers des environs. Il partait dès l’aube, emportait du pain, du beurre, une omelette roulée entre deux tranches,