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L’IMMOLATION

odeur de santé, mais la vie y était monotone, lente et mélancolique comme celle des grands arbres.

La Tête vivait là avec sa fille unique. Il avait quarante ans. C’était un homme court, très-dense, le crâne chauve et toujours chaud, les yeux rudes triangulaires ; et sur sa ferme mâchoire et ses joues, une barbe poussait, par touffes isolées, ridicules, comme du pâturin sur un sol maigre. Il avait peu de cou, une grande opulence de poitrine, les jambes en arc, les pieds carrés. Très taciturne, la face sourde, sans un ami, il évitait le cabaret, même le dimanche, savait à peine jouer aux cartes, par défaut d’accoutumance. Sa sombre nature hépathique agréait mal aux gens. Prompt aux querelles sans mots, mais avec coups, ses compagnons de la glèbe, connaissant sa force extrême, évitaient de le froisser. Il passait donc solitaire par les chemins, profil de ragot, suivi de la détestation des