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grand courant d’idées qui domine les monuments religieux de la Chine antique, où toutes les causes et leurs effets dans l’univers sont attribués à l’influence des deux forces opposées, le principe « femelle » et le principe « mâle », désignés sous les noms de Yin et de Yang.

Cette Trinité et cette Dualité figurent en tête du Fourou-koto boumi, mais c’est à peine s’il y est fait allusion dans le Yamato boumi dont la date de publication n’est cependant postérieure que de quelques années et qui fut composé par un prince de la famille impériale, le sin-’au Tonéri, avec le concours de quelques collaborateurs. Pourquoi cette suppression de la donnée la plus haute, la plus considérable de la religion indigène ? On ne saurait le dire avec certitude ; mais il est à penser que les intérêts politiques des ten-’au (empereurs) japonais ont motivé l’élimination des Dieux supérieurs qui manquaient de liens avec les divinités secondaires dont on voulait faire les ancêtres directs des Mikados[1]. Peut-être aussi ces Dieux primordiaux avaient-il des attaches trop étroites avec les chefs Aïnos pour qu’on ait jugé opportun de les maintenir au rang suprême dans le panthéon japonais. Ce qu’il importait de graver dans la mémoire du peuple, c’était le triomphe des divinités nouvelles sur les vieilles divinités de

  1. Suivant quelques historiens, l’empereur Zin-mou, fondateur de la monarchie japonaise (en 660 avant notre ère), descendrait à la cinquième génération de la grande déesse solaire Amatérasou oho-kami. Quelques auteurs indigènes ont contesté l’exactitude de cette donnée qui, si elle était définitivement acceptée, rapprocherait considérablement la date qu’on voudrait fixer pour l’époque des divinités créatrices Izanaghi et Izanami.