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plus d’une fois, comme saint François Xavier, que les Japonais étaient les délices de mon cœur, de médire sur n’importe lequel de leurs artistes et surtout sur ce brave Hok’-saï dont j’ai le premier fait une courte mention dans la Biographie générale de Firmin Didot, il y a une vingtaine d’années. Hok’-saï est à coup sûr un caricaturiste drôle par moments, bizarre presque toujours. Ses nombreuses charges à outrance amusent un instant. On s’arrête quelques minutes avec plaisir sur les premiers cahiers de ses Man-gwa qui vous tombent sous la main ; on parcourt les autres un peu plus vite ; on examine les derniers avec le pouce. Je n’ignore pas qu’une telle déclaration est de nature à arracher des cris d’horreur à certains bibliophiles et, pour cause, à un bon nombre de marchands de curiosités. Aussi bien qu’eux tous, j’apprécie parfois l’ancien art japonais, mais je juge qu’on a beaucoup surfait, chez nous, quelques-uns de ses coryphées. Un savant critique, feu Charles Schœbel, lauréat de l’Institut, écrivait que les Américains d’avant la conquête, en fait d’art, avaient réalisé l’idéal de la laideur. Il serait profondément injuste d’en dire autant des peintres et des crayonneurs du Nippon ; mais, en feuilletant les œuvres d’Hok’-saï et de ses émules, on a parfois la velléité de dire qu’il a réalisé l’idéal du grotesque[1].

Hok’-saï d’ailleurs n’est devenu un artiste hors ligne aux yeux de ses compatriotes que depuis le jour où nous nous sommes avisés en Europe de rire un peu, —

  1. Voyez la charmante étude de Mlle Bodil Lindegaard sur l’art de la peinture chez les Japonais, dans les Annales de l’Alliance Scientifique universelle, 1900, t. VII, p. 235.