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ragements », je me disais que, puisque la cuisine nourrit les hommes, la cuisine vaut bien la politique qui les éreinte. À cette époque, je venais de commencer à apprendre la chimie industrielle et, sous l’impression de l’enseigne sus-reproduite, je me suis demandé si je ne pourrais pas être un jour un grand chimiste culinaire.

Les souvenirs d’enfance nous poursuivent toute la vie ! Devenu vieux, j’ai de nouveau rêvé cuisine et je me suis dit que si j’avais persévéré dans mes premières aptitudes pour la science maguirique, j’aurais peut-être rendu de véritables services à l’humanité. Je me suis dit enfin qu’il était possible d’augmenter dans une énorme proportion nos ressources alimentaires et qu’il était surtout possible d’en améliorer la nature. N’aboutirait-on qu’à mieux nourrir les pauvres diables, à prolonger la vie humaine et à donner du repos aux médecins, le résultat en vaudrait déjà la peine. Je ne suis pas végétarien, parce que les milieux d’infection où évolue notre espèce sont aussi mal organisés que possible ; mais je crois que l’avenir appartient au végétarisme. J’en dirai plus long à cet égard une autre fois, car il serait malséant de vanter la nourriture exclusivement végétale dans un article où j’entends faire l’éloge d’une branche peu connue de l’ichtyophagie.



Ce que je vais raconter aujourd’hui, c’est comme quoi il m’est arrivé dans ma vie de me faire garçon cuisinier ; calotte blanche sur l’oreille et tablier blanc de la ceinture jusqu’aux pieds.