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LA CONFÉDÉRATION DES TROIS CANTONS

La plaine de Brunnen et le lac des Quatre-Cantons.

Fig. 74. — La plaine de Brunnen et le lac des Quatre-Cantons.


ment ils durent conclure une trêve avec les Waldstætten. C’était reconnaître l’existence de la Confédération[1].

L’alliance de 1291 était secrète. Celle de 1315 fut connue publiquement et l’Autriche dut en prendre son parti. La victoire de Morgarten avait prouvé que les Confédérés étaient capables de défendre leurs libertés.


LES TRADITIONS NATIONALES SUR LES ORIGINES DE LA CONFÉDÉRATION

Les grands faits de l’histoire ont été souvent embellis par la légende. Il en a été ainsi des événements qui ont amené la fondation de la Confédération. L’émancipation des Waldstætten, qui n’avaient pas craint malgré leur petitesse de résister à la puissante maison d’Autriche, était bien de nature à frapper les imaginations. Des récits se transmettant de père en fils donnèrent lieu à des traditions et à des chants, tels que la ballade de Tell, que nous connaissons par les écrivains du XVme et du XVIme siècle, et surtout par le célèbre Egide Tschudi (1505-1572). C’est ce dernier qui a donné un corps à ces traditions et les a fondues en un récit émouvant, rempli de détails pittoresques, mais dont aucun écrit du XIVme siècle ne fait mention. Il est impossible d’établir nettement, dans ce récit, la part de la légende et celle de la vérité. On ne peut, cependant, le rejeter entièrement. Le souvenir du serment du Grutli, en particulier, doit se rapporter à un fait réel. Quoi qu’il en soit, ces traditions nous sont chères. Nous aimons ces grandes figures de Guillaume Tell, Walter Furst, Werner Stauffacher, Arnold de Melchthal, qui personnifient l’amour de la patrie et la lutte pour la liberté. La gracieuse prairie du Grutli que la jeunesse suisse a achetée, en 1859, par une souscription nationale, pour en faire don à la Confédération, est le lieu vers lequel, lors de nos grandes fêtes patriotiques, se tournent les pensées des citoyens.

Nous donnons donc dans les deux lectures qui suivent un résumé de ces traditions populaires que tout Suisse doit connaître.


15me LECTURE

Les baillis autrichiens. Le serment du Grutli. — Après l’élection d’Albert d’Autriche comme empereur d’Allemagne, les trois pays d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald envoyèrent auprès de lui le landammann Werner d’Attinghausen, avec la mission de lui demander de confirmer leurs franchises et de leur donner un juge impérial. Albert refusa, mais il fit faire les plus belles promesses aux hommes des Waldstætten s’ils consentaient à accepter la domination autrichienne. « Je vous comblerai de biens, dit-il, et je créerai parmi vous des chevaliers. » Les Confédérés lui répondirent : « À ces brillants avantages, nous préférons la liberté de nos pères et la protection immédiate de l’empire. »

Ce fier langage irrita l’empereur. Au lieu de donner aux Waldstætten un juge impérial, il leur envoya des baillis autrichiens qui fixèrent leur résidence dans le pays, contrairement au droit et à la coutume. L’un d’eux, Gessler, qui devait dominer sur Uri et Schwytz, s’établit dans le château de Kusnach. Un second, Landenberg, désigné pour l’Unterwald, s’installa au château de Sarnen. Un sous-bailli, du nom de Wolfenschiess, fut placé au château de Rotzberg, non loin de Stans. Ces baillis étaient de véritables tyrans, qui s’entourèrent de gens armés et gouvernèrent avec une extrême rigueur. Ils augmentèrent les impôts, levèrent des taxes nouvelles et condamnèrent les habitants à l’amende et à la prison pour le moindre délit. Leur but était d’amener les montagnards à se révolter, pour les soumettre ensuite, par la force des armes,

  1. Voir la carte en couleur no 3.