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RÉGIME FÉODAL

habitant des fermes ou des hameaux voisins ; c’est là l’origine des biens communaux[1].

Dans plusieurs vallées, par exemple dans celle d’Uri, les habitants prirent la coutume de se réunir une fois par année, en assemblée générale, pour discuter leurs intérêts communs. Ces assemblées, appelées Landsgemeinde, se sont conservées jusqu’à nos jours dans les cantons d’Uri, d’Unterwald, de Glaris et d’Appenzell. Le chef (ou ammann) de l’une des communes de la vallée présidait la Landsgemeinde et recevait de ce fait, le titre de Landammann.

4. Les villes et la bourgeoisie. — Les anciennes villes romaines avaient été en grande partie détruites lors des invasions germaniques. C’est au moyen âge que se sont fondées la plupart des villes actuelles de la Suisse. Elles durent leur existence ou leur accroissement à la protection d’un évêque, d’un abbé ou d’un seigneur. Leurs débuts furent modestes. Longtemps elles ne se distinguèrent des villages que parce qu’elles étaient entourées d’une muraille fortifiée et qu’il s’y tenait des marchés et des foires. C’est du bourg[2] ou château fort qui défendait la cité, qu’est venu le mot de bourgeois, par lequel on désignait les habitants des villes.

Les villes s’enrichirent par le commerce ; diverses industries prirent naissance, en particulier celles des toiles, des étoffes de laine et de soie, ainsi que celle des cuirs.

Peu à peu les bourgeois, tantôt en se révoltant, tantôt en payant de fortes sommes, cherchèrent à obtenir de leur seigneur qu’il leur concédât certains droits. Ces droits étaient mentionnés dans un écrit qu’on appelait une charte de libertés et de franchises.

Dans la plupart des villes, les citoyens arrivèrent à se constituer, sous l’autorité du seigneur, en une communauté ou commune, qui avait à sa tête ses magistrats et son conseil. Ce fut en particulier le cas de Genève, Lausanne, Neuchâtel. À Bâle, le premier magistrat portait le titre de bourgmestre ; à Berne, Fribourg, Soleure, celui d’avoyer. À Genève, les magistrats élus par les bourgeois se nommaient les syndics. Dans le Pays de Vaud, les députés des villes se réunissaient avec la noblesse, à Moudon, en une assemblée appelée les États de Vaud.

5. La justice. — L’un des principaux droits du seigneur sur ses sujets était de rendre la justice. En signe de son droit, il fait dresser sur sa terre un gibet. Il frappe d’amendes plus ou moins fortes ceux qui commettent des contraventions ; le produit de ces amendes appartient au seigneur. Il peut condamner à mort les criminels et les voleurs, et confisquer leurs biens. Avec le temps, dans les villes, les habitants parvinrent à enlever aux seigneurs le droit de rendre la justice et le confièrent à des notables pris parmi les bourgeois.

Dans les procès difficiles, lorsqu’on avait de la peine à découvrir le coupable, on faisait battre en duel les deux adversaires. Le vainqueur gagnait le procès. On employait aussi un autre moyen, appelé le jugement de Dieu. On faisait subir une épreuve à l’accusé, dans la pensée que Dieu, par un miracle, devait indiquer s’il était coupable ou non. Comme épreuves, on faisait porter à l’accusé un fer rouge pendant quelques pas ou tremper la main dans une chaudière d’eau bouillante ; si quelques jours après, sa main était sans blessure, il était considéré comme innocent. Dans d’autres cas, on le jetait attaché dans une mare ; s’il enfonçait, il avait gagné. Ces coutumes étaient bien cruelles. À la fin, l’Église ordonna de les supprimer.

6. La Trêve de Dieu. — Le moyen âge fut une époque de guerres. Au Xme siècle surtout, les luttes entre seigneurs étaient devenues si fréquentes et causaient de si grands ravages dans les campagnes que l’Église chercha à y porter remède. C’est grâce à elle que fut proclamée la Trêve de Dieu. En 1036, Hugues, évêque de Lausanne, convoqua une grande assemblée composée d’évêques et de nobles. Elle se réunit sur la colline de Mont-Riond, près d’Ouchy. Les seigneurs jurèrent de ne

  1. Ces biens communaux sont désignés en allemand sous le nom d’allmend.
  2. Le mot français bourg vient du mot allemand burg, qui signifie château fort.