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BERTHE, REINE DE BOURGOGNE TRANSJURANE

Berthe put se consacrer entièrement au gouvernement de la Bourgogne.

Le pays avait grand besoin d’une autorité protectrice et bienfaisante. Le désordre régnait partout. Les nobles, abrités dans leurs châteaux forts, opprimaient le pauvre peuple. Les lois n’étaient plus observées. Il n’y avait point de routes, mais seulement des sentiers où les voyageurs ne se risquaient qu’avec précaution. Les marchands, pour ne pas être dépouillés, se cachaient sous l’habit de pèlerin et s’avançaient de monastère en monastère. Des bandes pillardes de Hongrois et de Sarrasins venaient ravager les campagnes et les cultivateurs n’étaient jamais assurés de pouvoir faire leurs récoltes. La détresse était si grande que les peuples découragés croyaient voir approcher la fin du monde.

En ces temps malheureux, la reine Berthe apparaît comme un modèle de piété, de douceur et de bonté. Un sceau de Payerne l’appelle humilis regina, humble reine. On n’a sur elle que peu de renseignements positifs. La légende a sans doute

Église abbatiale de Payerne.

Fig. 40. — Église abbatiale de Payerne.


embelli son portrait ; elle l’a confondue avec d’autres reines, même avec une déesse des peuples du nord et lui a attribué des choses qu’elle n’a pas faites. Mais nous en savons assez pour pouvoir la considérer comme la bienfaitrice de nos contrées. Elle filait comme les autres dames de son temps ; elle parcourait les campagnes, rendant la justice et répandant le bien autour d’elle. Elle encouragea l’agriculture et chercha à améliorer la condition des serfs. Pour protéger les habitants contre les Hongrois et les Sarrasins, elle fit construire des forteresses, des tours de refuge et élever des murailles autour des bourgs.

Berthe fut surtout bonne envers l’Église. Elle fit, en 962, de larges donations à l’abbaye de Payerne, par un acte qui a été conservé et que l’on appelle le « Testament de la reine Berthe. » C’est à Payerne qu’elle fut ensevelie. La tradition indiquait que ses restes devaient se trouver dans le temple de l’abbaye. Des fouilles faites en 1817 amenèrent la découverte d’un tombeau ; ne doutant pas que ce ne fût celui de la pieuse princesse, le gouvernement vaudois l’a fait transporter dans l’église paroissiale de la ville et recouvrir d’un marbre noir avec inscription. Le souvenir de la reine s’est maintenu, grossi de naïves légendes, chez les habitants de la Bourgogne transjurane. Berthe resta pour eux la « bonne reine, » la « royale filandière, » et plus tard la tradition s’établit de rappeler comme un âge heureux, trop tôt disparu, « le temps où la reine Berthe filait. »


10me LECTURE

Pierre de Savoie, le Petit Charlemagne. — Ce n’est pas sans raison que l’on a donné à Pierre de Savoie le glorieux surnom de Petit Charlemagne. Ce prince le mérita autant par son habileté et par ses conquêtes que par son sage gouvernement et les bonnes lois qu’il donna à ses États.

Né en 1203, il était le sixième fils de Thomas, comte de Savoie, qui, dans une guerre contre Berthold V de Zæhringen, s’était emparé de Chillon, de Moudon et de Romont. Sur le désir de son père, Pierre entra dans l’Église, bien qu’il n’eût pas de goût pour la vie ecclésiastique. À la mort du comte Thomas, en 1233, il s’empressa de renoncer à son titre de chanoine. Il ne possédait alors que quelques domaines de peu d’importance, mais, grâce à son génie, il sut en quelques années devenir un prince puissant en Europe. C’était un homme de