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LA POÉSIE CONTEMPORAINE

Quand le tour du soleil ou commence ou s’achève,
D’un œil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou se lève,
Qu’importe le soleil, je n’attends rien des jours.

Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts ;
Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire ;
Je ne demande rien à l’immense univers. »

Ne retrouvez-vous pas là un écho très distinct
de ces Regrets de La Harpe :

« Le sombre hiver va disparaître,
Le printemps sourit à nos vœux ;
Mais le printemps ne semble naître
Que pour les cœurs qui sont heureux.

Le mien, que la douleur accable,
Voit tous les objets s’obscurcir,
Et quand la nature est aimable
Je perds le pouvoir d’en jouir.

Je ne vois plus ce que j’adore ;
Je n’ai plus de droit au plaisir,
Pour les autres tout semble éclore
Et pour moi tout semble finir.

Que m’importe que le temps fuie ?
Heures dont je crains la lenteur,
Vous pouvez emporter ma vie,
Vous n’annoncez plus mon bonheur. »

Lamartine continue :

« Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. »