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immédiat (1), donna à l’œuvre de propagande religieuse l’appui puissant de l’Etat.’Chateaubriand rendit celle cause populaire par le Génie du christianisme. Le livre parut au moment même du Concordat et fut aussitôt couvert par la protection officielle qui en comprit et en signala toute la portée (2). Le succès fut prodigieux (3).

Au cours de cette apologie poétique, Chateaubriand, se plaçant au point de vue qui nous intéresse d’une manière plus étroite, s’efforçait de démontrer que la religion « a fourni aux arts des sujets plus beaux, plus riches, plus dramatiques, plus touchants que les sujets mythologiques (4) ». «Lorsqu’on entend soutenir, écrivait-il, que le christianisme est l’ennemi des arts, on demeure muet d’étonnement, car à l’instant même on ne peut s’empêcher de se rappeler Michel-Ange, Raphaël, Carrache, Dominique, Le Sueur, Poussin, Coustou et tant d’autres artistes dont les seuls noms rempliraient des volumes (3). » 11 ne se contentait d’ailleurs pas de ces autorités illustres et se faisait fort de prouver « que la religion chrétienne, étant d’une nature spirituelle et mystique, fournit à la peinture un beau idéal plus parfait et plus divin que celui (pii naît d’un culte matériel — que, corrigeant la laideur des passions ou les combattant avec force, elle donne des tons plus sublimes à la figure humaine et fait mieux sentir l’âme dans les muscles et les liens de la matière (6) ». Cela était fort important, plus important que telle remarque, d’ailleurs intéressante, sur les costumes chrétiens « aussi nobles que ceux de l’antiquité (7) » et cela avait une portée que Chateaubriand lui-même ne mesurait pas (8).

à Notre-Dame, 15 août 1797, et Annales de la Religion, 5 juin 1797, cites par d’Haussonville, /.’Eglise Romaine et le Premier Empire, t. I, pièces justificatives, vi) . Au moment du Concordai, il y avait en France plus de 7.500.009 catholiques pratiquants et subvenant librement aux frais de la religion (Thibaudeau, Mémoires sur le Consulat, t. 11). En 1800, l’abbé Rauzan , le. futur directeur des missions, était rentré en France, et M. de Frayssinous inaugurait, en 1801, sa prédication dans l’Eglise des Carmes (Nettement, La Littérature française sous la Restauration, I, p. 151.) (1) Mme de Staël, Considérations sur la Révolution Française, IV, 0 ; d’Haussonville, op. ci/., t. 1, chap. xi. (2) Foutanes, dans le Moniteur du 28 germinal au X ; cité par Sainte-Beuve, Chateaubriand..., p. -72. (8) Sainte-Beuve, op. eit., p. 585, note I.

(t) Chateaubriand, Génie du Christianisme , III e partie, livre II, chap. ni. 11 reprenait ainsi une pensée de Grimm, que sans doute il ne connaissait pas (Grimm, Correspondance, lévrier 1755, cite par Stendhal, Histoire de la peinture en Italie ).

(5) Chateaubriand, op. cil., III e partie, livre I er , chap. in. (0) Chateaubriand, op. cil., III e partie, livre 1 er , chap. ni. (7) Chateaubriand, Génie du Christianisme, III e partie, livre 1 er , chap. iv. (8) Chateaubriand parait avoir partagé l’engouement de son temps pour les Davidicns. Il avait inspiré à Girodet l ’Enlèvement d’Atala, et cette interprétation infidèle de sa prose lui plaisait assez pour qu il qualifiât le peintre de « successeur d’Apelle » (Martyrs, chant 1 er ). 11 aurait volontiers servi de texte a de nouvelles illustrations et il avouait avoir écrit les dernières pages du chant XXII des Martyrs pour lourn ir la matière d’une grande machine aux groupes pondérés. « J’ai tâché, écrit-il, de tracer mon tableau, de manière qu’il pût être transporté sur la toile sans confusion, sans désordre et sans changer une attiludc. » La vie lui donna peu d’occasions de manifester scs préférences artistiques, mais, a juger par