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exprimaient de pures velléités dont l’exécution les eût, peut-être, effrayés et, lorsque Girodet, dans son poèmede la Peinture, engageait les art istes à s’inspirer du moyen âge, il se gardait bien de suivre son propre conseil. Si les vues de David furent parfois combattues, ces révoltes n’eurent pas d’effet immédiat ; elles sont surtout intéressantes comme signes précurseurs de l’avenir et c’est à ce titre que nous nous réservons de les étudier tout à l’heure.

Il serait, de même, exagéré de représenter, placés en face de l’atelier de David, des ateliers rivaux, égaux en importance au sien. 11 y eut, certes, des jalousies de personnes et d’influence ; mais la supériorité de David et l’action qu’il exerçait sur ses ennemis mêmes ne furent jamais sérieusement contestées. Ce terme d ’Ecole française avait bien la signification que nous lui avons attribuée et l’unité de cette Ecole présidée par David a constamment été affirmée, surtout le jour où l’existence en a été menacée par une révolution artistique. Vien, Régnault ou Vincent ne s’étaient pas conformés entièrement à l’esthétique de David parce qu’ils étaient de ces esprits médiocres qui ne pénètrent jamais complètement une idée : ils s’étaient séparés de David, non parce qu’ils pensaient autrement que lui, mais parce qu’ils étaient incapables de le comprendre. Leurs œuvres et leurs élèves en font foi. Les seuls esprits vraiment indépendants et animés par des principes personnels, Greuze, mort en 1805, ou Prudhon qui disparut seulement en 1823, étaient restés isolés et leur influence avait été nulle ou très restreinte.

Les peintres dissidents avaient donc formé deux groupes : Vien, Régnault, Vincent, d’une part, alors les plus importants, aujourd’hui les plus oubliés ; Greuze ou Prudhon, de l’autre, que l’avenir devait venger du discrédit relatif où ils ont vécu.

Vien était mort en 1809 (1), considéré jusqu’à sa fin comme le patriarche de l’art et le fondateur de l’Ecole (2). A vrai dire, il avait eu plus de bonheur que de talent. De son œuvre, peu de souvenirs subsistaient ; on avait aussi oublié ses protestations contre les exagérations du goût antique (3), et, si l’on évoquait encore son nom, c’est parce qu’il avait été le maître de David, de Vincent et de Régnault.

Vincent (4) eût, par tempérament, continué les traditions de Van Loo ou de (1) Vien (1716-1809), élève de Cirai ctNatoire ; premier grand prix de Rome, 1743 ; académicien, 1734 ; directeur de l’Académie de France à Rome, 1775 ; premier peintre du Roi, 1789 ; membre de l’Institut, 1793. Il exposa de 1733 à 1793.

(2) Sur le rôle traditionnel attribué à Vien, voir, entre autres, André Chénier, Sur la peinture d’ histoire. (3) Sur ses protestations contre la manie de l’antique, voir Benoit, op. cit., p. 106 et 327. (4) Vincent (1746-1816), élève de Vien ; grand prix de Rome, 1768, membre de la Légion d’honneur ; membre de l’Institut dès la création ; a exposé de 1777 à 1801.