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Lo génie souriant des Grecs, l’amour qu’ils avaient eu de la vérité et de la vie, leurs efforts sincères étaient méconnus. On s’imaginait que les sculpteurs antiques s’étaient raidis dans la recherche d’une beauté surnaturelle et l’on transformait en principes les recettes de l’art académique. Les négligences, la facture molle, le modelé banal et éteint, le parti pris, l’absence d’émotions, qui avaient marqué la décadence hellénique, échappaient à des yeux mal exercés : on y voyait l’expression d’une esthétique raffinée et sublime. De l’antiquité mal interprétée on avait construit la théorie du Beau Idéal, théorie exposée d’abord par Winckelmann (1) et dont Quatremère de Quincy se faisait encore, en 1822, l’interprète.

D’après Quatremère, le sculpteur grec, loin de se contenter de l’imitation directe de la nature, s’en inspirait pour dégager, des formes plus ou moins altérées qu’elle nous offre, les types éternels et parfaits d’après lesquels ces formes périssables se sont manifestées.

Aussi faut-il voir, « dans chacun des beaux ouvrages de l’art grec, non pas une réunion accidentelle de parties empruntées par tel ou tel artiste à plusieurs modèles ou choisis ou donnés par le hasard, mais bien une reconstitution des formes de l’individu selon les divers caractères du sujet et d’après les lois de la nature » (2). « L’artiste, abandonnant le stérile domaine de la réalité où les hommes, les faits, les objets se montrent tels qu’ils sont, parvient à nous créer comme un nouveau monde où les objets se font voir tels (pie la nature nous dit qu’ils pourraient être. C’est là (pie toutes les existences s’agrandissent et s’ennoblissent par l’échange qui s’y fait des vérités d’imitation particulière contre cette vérité abstraite et généralisée qui les comprend aussi. Voilà en quoi consiste le secret et se manifeste la vertu de l’Idéal (3). » En résumé, l’artiste doit renoncer à traduire simplement la nature ; il doit, par un travail de généralisation (4), passer des beautés sensibles à la beauté complète qui est leur type.

Le Beau idéal n’est pas perçu par l’œil, « c’est un être composé dont l’observation et la science, l’imagination et le sentiment rassemblent les parties » (5).

Les spéculations platoniciennes de Quatremère étaient, sans doute, trop élevées pour rester accessibles à tous les esprits, mais ceux-là mêmes qui ne les avaient pas parfaitement entendues, quand ils essayaient de les combattre, revenaient aux mêmes conclusions. On avait beau opposer au beau idéal , la ii) Winckelmann, Histoire de l’art dans l’antiquité, livre IV, chap. u, passim. (-) Quatremère, De la nature de V Imitation , 111, vi, p. 309. (3) Id., ibid., p. 220.

li) Id., ibid., III, v, p. 298.

(5) Id., ibid., p. 299.