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VITTORE CARPACCIO
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isolés, Saint Tryphon délivrant du démon la fille de l’Empereur rappelle le miracle obscur opéré par l’obscur patron de Cattaro. Par sa disposition, par ses fabriques, ce tableau s’apparente de près aux réception d’ambassadeurs du cycle de sainte Ursule. Il offre peu de nouveauté, partant, un intérêt moindre. Ce n’est, cependant, ni une réplique, ni une redite : les épisodes dont s’animent les arrière-plans ont la vivacité spirituelle familière à l’artiste et l’on admire de beaux détails d’architecture, surtout des médaillons pseudo-antiques encastrés dans les chapiteaux des colonnes d’une loggia somptueuse.

Le Christ au mont des Oliviers, exposé dans un angle obscur auprès de cette toile, n’a eu ni la faveur du temps ni celle de l’inspiration. De proportions étriquées, il semble avoir été coupé. L’accentuation des ombres et des lumières est empreinte de dureté : les apôtres, vus en raccourci, rappellent fort ceux de Mantegna dans un sujet identique ; le visage du Christ baigné de lumière et un arbre se profilant sur la vallée sont les parties les mieux venues de cette composition médiocre.

La Vocation de saint Mathieu est une page de parfaire aisance. Sans rien qui tranche, elle a une noble simplicité : le visage du christ est pénétré ; saint Mathieu s’avance vers lui d’un beau geste spontané, et la physionomie des apôtres se marie aux draperies sévères des robes qui forment entre elle de graves harmonies. Une porte à mâchicoulis d’une tonalité rougeâtre sert de fond cette scène qui dégage une impression de plénitude.