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VITTORE CARPACCIO
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À cette toile dramatique Carpaccio a voulu opposer la solennité d’une scène ample. Mais il a choisi un thème d’une traduction picturale peu intelligible : le saint, l’épée suspendue sur le monstre enchainé, exige, pour l’achever, la conversion du roi Aya et e son peuple. Ce pieux marchandage échappe à qui n’a pas lu la légende et il reste, pour les yeux, une scène vague d’apparat.

Sur une grande place encadrée de monuments magnifiques, la cour du roi Aya est rangée autour du vainqueur et de son trophée. Un grand dessin conservé aux Offices nous atteste le soin avec lequel le peintre a étudié l’agencement de cette scène et offre de curieuses variantes dans les architectures et dans les groupes.

Une telle conception aurait, de tout point, convenu au génie de Gentil Bellin ; mais Carpaccio ne gagne rien à se guinder ; il n’atteint pas la grandeur qu’il a poursuivie ; sa composition est mesquine et grêle. Le groupe capital est manqué : le geste de saint Georges — faut-il s’en étonner ? — est gauche et équivoque ; sa figure est insignifiante. Le monstre a perdu son ampleur ; il n’est plus qu’un grand lézard ; ses ailes contractées, son corps mou sont privés de la riche gamme de couleurs qu’ils avaient au combat ; transformation physiologique, peut-être juste, mais, à coup sûr, peu pittoresque.

L’intérêt se rejette sur les épisodes où Carpaccio a retrouvé sa verve : personnages aux riches costumes, orchestre tartare dont il a été satisfait au point de le reprendre dans le panneau suivant et, par-dessus tout, de magnifiques études