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VITTORE CARPACCIO

peuple furent baptises : ensuite Georges tira son glaive et abattit la tête du dragon.

Inspiré par ce récit dramatique, Carpaccio a ordonné, en trois scènes, un poème fortement contrasté.

Saint Georges a pénétré dans le charnier, réduit du monstre. Ni les odeurs pestilentielles qui dessèchent toute végétation, ni les cadavres mutilés, décomposés ou momifiés, ni les animaux immondes qui cherchent en ce lieu leur nourriture ne l’ont arrêté. À son approche, le Dragon s’est tendu comme une formidable machine et, les écailles hérissées, la gueule béante, les griffes crispées, il s’est jeté sur l’audacieux adversaire. Mais déjà la lance pourpre l’avait transpercé.

Pâle, la figure fermée par une résolution froide qui brave tout, arc-bouté sur ses étriers, tout entier dans ce geste dont dépend la victoire, la vie et le salut de la princesse, saint Georges se dessine, sombre sur l’horizon, comme une image du sacrifice volontaire et de l’héroïsme.

L’harmonie grave de cette toile, la richesse contenue des accessoires, armure du chevalier, harnachement de son cheval, ville lointaine aux tours chargées de spectateurs anxieux, soleil couchant, tout a une extraordinaire tension, et si Carpaccio n’y a pas mis tout ce que nous y sentons, on comprend qu’une œuvre semblable soit devenue un thème de méditations pour Gustave Moreau, Burne-Jones et leurs admirateurs. Le même silence tragique se retrouve dans un Ensevelissement du Christ conservé au musée de Berlin et que la critique contemporaine a restitué à Carpaccio.