l’éliminer, mais il l’a réduite et l’a présentée comme par prétérition dans un coin de l’Arrivée à Cologne. Par contre, la communion de la sainte et de ses compagnes à Rome lui offre un thème où son âme s’épanche et que Carpaccio n’a pas aperçu, sur lequel, d’ailleurs, il se serait trainé. S’il est permis de s’arrêter à un détail minuscule, nous avons dit, tout à l’heure, le soin avec lequel Carpaccio avait varié les costumes et les atours de sainte Ursule : Memlinc la représente toujours vêtue de la même jupe et de la même tunique.
Les deux artistes se rapprochent par une même inexpérience à concevoir et à exprimer une scène de violence. Carpaccio, nous le savons, malgré un effort sensible, a donné du massacre une image outrée et maladroite ; Memlinc s’est dérobé à l’idée même d’un effet dramatique : les martyrs parfaitement résignés, les mains jointes, attendent la mort sans qu’aucune émotion apparaisse sur leur visage candide et inexpressif, et leurs bourreaux les frappent avec la même placidité que s’ils s’exerçaient à la cible. Comme Carpaccio, Memlinc s’est réfugié dans l’épisode d’amour qui ajoute une saveur si particulière à la mort de la sainte et il lui consacre une page séparée. C’est ici que les deux artistes se rapprochent le plus par la composition et par le sentiment. Tous deux, ils ont placé un archer qui vise droite, sainte Ursule à gauche, le fils du Roi au centre : tous deux ont essayé de traduire dans l’attitude et sur le visage du jeune prince l’expression de la pitié et de la sympathie et, si Carpaccio y a mieux réussi, Memlinc