Page:Rosenthal - Carpaccio, Laurens.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VITTORE CARPACCIO.
79

de l’adriatique : Bruges, reliée par ses canaux féconds à la mer du Nord

Influencés par des suggestions analogues, Carpaccio et Memlinc ont, avec l’histoire de sainte Ursule, conté l’activité dont ils étaient les témoins. Le Flamand dépeint comme le Vénitien les navires qui accostent, la manœuvre des matelots, les ballots que l’on décharge. L’arrivée à Cologne offre, chez les deux maîtres, une ressemblance indéniable.

Ceci n’atténue sans doute pas les différence qui sont considérables. Encore ne faut-il pas s’y méprendre. Parfois, — alors qu’ils paraissent s’éloigner le plus, — les deux artistes appliquent simplement à des spectacles différents les mêmes procédés et les mêmes qualités d’observation. L’un vit parmi le triomphe de l’art gothique, l’autre près de Saint-Marc, de la Ca d’Oro et des fantaisies colorées des Lombardi, et c’est parce qu’ils rendent ces ambiances avec la fidélité la plus scrupuleuse qu’ils donnent à leurs œuvres des physionomies si tranchées. Amenés à représenter Rome qu’ils n’ont visité ni l’un ni l’autre, tous deux essayent de l’imaginer, et si Memlinc est moins heureux, c’est qu’il est moins bien préparé par son milieu à évoquer l’art antique et qu’il est privé des documents qui ne manquent pas à Carpaccio.

La vraie divergence, et celle-ci capitale, ne réside pas dans la technique ni dans la conception picturale, elle est tout entière psychologique. Carpaccio et Memlinc expriment, dans des langages qui ne sont pas sans parenté, des tempérament dont l’opposition est irréductible.