Carpaccio. Dans l’œuvre de Carpaccio, par contre, la vie de sainte Ursule offre un développement inusité. Dans la vie de la Vierge, dans celles de saint Georges et de saint Étienne, il se rapproche sensiblement des proportions familières de flamands. Ce sont donc des hasards malheureux qui rendent difficile la comparaison entre les deux cycles.
Il ne faut pas trop s’attarder, non plus, au contraste des factures. La minutie de Memlinc ne lui est pas plus particulière, parmi les flamands, que la liberté de Carpaccio n’est une exception à Venise : les opposer, serait faire le procès de deux écoles plutôt que de deux artistes. Ces impressions préjudicielles écartées, des ressemblances apparaissent, résultats d’une nécessite logique.
Les deux œuvres sont absolument contemporaines : elles sont issues de milieux artistiques et sociaux analogues. L’art vénitien ainsi que l’art flamand étaient alors dans celle période d’ascension qui, dans tous les âges, réunit la conscience et la véracité. De là, chez les deux maîtres, un semblable instinct de transposer dans la réalité contemporaine la légende plusieurs fois séculaire qu’ils avaient à traiter : de là aussi une semblable fidélité dans l’étude des monuments et des costumes, un besoin aigu d’analyse, l’importance attachée aux moindres détails. Surtout, cette réalité s’offrait à eux avec une exceptionnelle parité d’aspect. Deux villes fastueuses, enrichies par le commerce maritime, répandant au loin leur activité, et, toutes deux, orgueilleuses des flottes qui les animaient : Venise, reine