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VITTORE CARPACCIO.
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VIII


Lorsque l’on vient, à l’Académie, de feuilleter une à une les pages de poème magnifique, parmi les réflexions qu’il suggère se présente impérieusement le souvenir de la châsse de sainte Ursule de Memlinc et, de même, il n’est sans doute pas un pèlerin d’art à Bruges qui n’ait, à l’hôpital Saint-Jean, reporté sa pensée vers Carpaccio.

Cette confrontation instinctive provoque d’abord le sentiment d’une opposition totale. L’ampleur de l’œuvre vénitienne fait paraître la châsse plus exiguë encore, et le mysticisme de Memlinc souligne le naturalisme de Carpaccio. Pourtant, si l’on ne s’arrête pas à celle impression première, une réflexion plus attentive nous avertit que cette opposition est plus apparente que réelle et qu’elle n’offre rien d absolu.

Il ne faut pas se laisser surprendre par le contraste des dimensions. Ce n’est pas de propos délibéré que Memlinc a adopté des proportions si réduites : la châsse qu’il avait mission de peindre lui offrait des surfaces strictement délimitées. Il eût été évidemment capable d’exécuter ses compositions sur un champ pus considérable ; mainte de ses œuvres en témoigne, et, tout près de la châsse même, le triptyque d’autel de l’hôpital Saint-Jean. Ni lui ni les artistes qui l’entouraient ne reculaient devant l’ampleur d’une commande et l’Adoration des Bergers d’Hugo Van der Goes présente des dimensions analogues aux toiles de