Page:Rosenthal - Carpaccio, Laurens.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
VITTORE CARPACCIO.

sous les cheveux blonds cendré aux curieuses torsades, garde, dans sa détente, une finesse candide. Les lèvres, selon la remarque délicate de Gabriele d’Annunzio, ont l’air de prier encore.

L’ange qui entre dans la chambre a l’air à peine plus céleste. Il porte une longue tunique et des bottines rouges, et marche fort posément sans le secours de ses ailes qui annoncent sa qualité.

D’un geste tranquille il présente à la jeune fille la palme, emblème de son prochain martyre, et cette révélation ne trouble pas la sérénité du sommeil de sainte Ursule.

Cette scène silencieuse s’entoure d’un cadre d’une pureté exquise. Sainte Ursule y prête une grâce de plus. Mais qui ne se sentirait pénétré par la douceur de cette atmosphère chaste ? Une fenêtre ouverte sur un ciel couchant, quelques fleurs fraîches, des livres laissés là après la méditation, témoignages d’une piété simple, la parure juvénile de la Renaissance dans deux formes d’adolescents, et cette lumière dorée et sourde qui enveloppe tout d’un voile de paix. Un parfum discret, pénétrant s’exhale de cette fleur entr’ouverte[1].

  1. La chambre de Pôlia, dans une des gravures du Songe de Polyphile, ressemble singulièrement à celle de sainte Ursule. On sait que ce livre fut imprimé à Venise par les Alde, précisément en 1499. L’auteur des images est resté inconnu. Parmi les noms mis en avant, celui de Carpaccio a été prononcé, mais cette hypothèse ne résiste pas à l’analyse, et la pauvreté des renseignements que l’anonyme nous donne sur la vie vénitienne souligne la verve ingénieuse de Carpaccio.