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VITTORE CARPACCIO.
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sous un dais, une foule grave la suit. Les mille détails chers à Carpaccio ne sont pas sacrifiés, mais ils se subordonnent et semblent s’accorder à l’impression de recueillement. Ici, peut-être, le convenance est-elle extérieure et comme négative : une pénétration plus délicate se marque dans d’autres scènes toutes de nuances.

Sans doute, dans les Adieux, les parents de sainte Ursule pourraient exprimer avec plus de tendresse l’émotion de se séparer de leur fille, mais Carpaccio fut plus heureux dans une réplique de la collection Layard. L’attitude du roi est vraiment touchante ; penché sur sa fille, le regard attaché au sien, la main enveloppante posée autour de son cou, ils oublient ce qui les entoure : le beau couchant pourpré, la foule bigarrée, les palais et la mer.

La même intimité, moins émue, aussi étroite, préside à l’entretien de sainte Ursule et de son père discutant les propositions des ambassadeurs. Tandis que la sainte énumère sur ses doigts les conditions qu’ellemet à son consentement, le roi accoudé sur son lit l’écoute perplexe. Le cadre avec sa simplicité naïve, le lit modeste, la petite image de piété donnent un caractère de familiarité ingénue où se lit une âme fraiche et presque enfantine.

Un semblable accord, mais plus complet, plus exquis, plus subtil, vibre doucement dans le Sommeil de la sainte. Jamais artiste n’a exprimé avec plus de chasteté le repos d’un être pur. Sous les draps, le corps étendu se dessine gracile et comme avec pudeur. La tête appuyée sur la main s’abandonne pleinement au sommeil, et le masque un peu pâle