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VITTORE CARPACCIO.

Sous des formes variées, se retrouvent des décors d’un esprit analogue : la loggia où le roi de Bretagne accueille le retour des ambassadeurs est faite de colonnes de marbres veinés avec des chapiteaux dorés et des socles incrustés de losanges. Parfois le souvenir de l’antique s’allie avec plus de précision à la Renaissance architecturale, et c est ainsi qu’à côté des statuettes, des portiques, on remarque une fabrique ornée de deux grands bas-reliefs dont l’un est la copie d’une plaque de bronze que l’on conserve au musée archéologique du palais ducal. L’Arrivée à Rome lui fait évoquer le château Saint-Ange.

Imposant ou léger, le décor ne vaut pas seulement par lui-même, une ambiance délicate, merveilleusement exprimée, V appose la marque changeante des heures. Tantôt, de petits nuages blancs courant en troupeau sur un fond bleuté tamisent une clarté sereine, tantôt c’est la modulation délicate d’un couchant. Tandis que la nue se teinte d’un safran mauve et rosé, sur les crépis blancs des fabriques, de la poussière de lumière palpite encore.

Ces harmonies rares ont un rappel délicieux dans la trame veloutée des tapis persans. Épars au hasard des scènes, sur les barques, aux balcons, aux pieds des assistants, notés avec une précision surprenante, ils ont une sorte de miroitement soyeux semblable aux reflets de l’eau vers laquelle ils se penchent. Eau des berges animée de l’image immobile des palais, assombrie par la tache noire d’une caravelle, toute pailletée du bond capricieux des étendards claquants et du sillage des gondoles rapides et