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VITTORE CARPACCIO.

perles aussi cernent la décolleture : de lourds colliers pendent sur leurs gorges. Leurs cheveux encadrent le visage et, noués sur la tête en forme de calotte, sont d’un blond récent. Près d’elles, un jeune page n’est pas vêtu avec une moindre recherche : il joue avec un tétras. Deux chiens, une perruche deux tourterelles rosées sont les familiers de celle terrasse.

L’air abandonné de ces femmes dont les socques traînent à terre, la serviette que l’une d’elles tient à la main, ont autorisé à interpréter cette scène comme un épisode de la toilette de deux courtisanes qui laissent sécher leurs cheveux au soleil après les avoir blondis.

Rien de moins assuré que cette hypothèse. On en a émis d’autres, dont quelques-unes fort singulières. Il semble qu’il y ait anachronisme véritable à attribuer à Carpaccio une scène de genre, et peut-être ce tableau Célèbre n’est-il qu’un fragment précieux d’un ensemble disparu.

L’esprit dans lequel Carpaccio a traité les sujets religieux donne à cette hypothèse la plus grande vraisemblance. Jamais légende, fût-elle miraculeuse ou mystique, ne l’a écarté de la réalité et ne lui a fait oublier complètement sa chère Venise. La Vierge, sainte Ursule, saint Jérôme ou saint Georges vécurent au milieu des hommes, parmi des paysages, dans les villes. Carpaccio voit leur vie se dérouler devant ses yeux. Il assiste aux scènes édifiantes que la tradition a conservées ; il ne s’arrête pas à leur beauté spirituelle ; il n’en scrute pas le sens profond.