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VITTORE CARPACCIO.
VI

Peintre merveilleux, fait pour traduire la vie et amoureux de sa ville, s’il eût vécu plus tard, Carpaccio aurait été, à côté de Canaletto et de Guardi et peut-être plus complètement qu’eux, l’interprète des pierres et de la vie de Venise. Ses contemporains ignoraient encore ces contemplations désintéressées, mais ils en approchaient involontairement en mêlant Venise à leurs sujets religieux et en multipliant les toiles officielles auxquelles la ville servait de décor.

Deux fois au moins, Carpaccio, sans dénaturer le sujet, put exécuter des vues littérales de Venise.

Chargé par les camerlingues de peindre un étendard et de renouveler l’image démodée de Jacobello del Fiore, il ne se contente pas d’alléger les formes un peu lourdes de l’animal apocalyptique, il double la glorification en déroulant derrière le symbole traditionnel une vue du canal Saint-Marc.

Le Bucentaure est amarré devant la Piazzetta que domine le Campanile ; on devine l’Horloge : les coupoles de Saint-Marc se profilent derrière le palais ducal, dont les sveltes harmonies chantent légères et subtiles.

Puis c’est la lagune avec les caravelles aux voiles gonflées qui glissent doucement vers l’horizon doré, et Saint-Georges Majeur. Tout baigne dans la délicatesse d’une atmosphère limpide et rose, les tons se nuancent, rares et exacts, hommage discret rehaussé d’une sorte