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VITTORE CARPACCIO.

On a cru parfois pouvoir affirmer davantage. Dans un coin retiré de V’enise, au bord d’un rio silencieux, s’élève Sainle Alvise, pauvre église abandonnée comme un sanctuaire de village. Une grande machine de Tiépolo y rappelle presque seule les splendeurs de la ville. Sur le mur d’entrée sont accrochés huit panneaux de bois sans cadre. L’histoire de Joseph, la visite que fit à Salonion la reine de Saba, Job et ses amis, et Rebecca à la fontaine y sont représentés par des Vénitiens au pourpoint rouge, aux ceintures de cuir ouvragé, parmi des palais de style classique. De riches paysages se développent, bois ombreux, montagnes, lacs où voguent des cygnes, tout cela dit avec une hardiesse qui ne se déconcerte pas d’être maladroite, comme le jeu d’un esprit souple mal servi par une main inexperte.

Sur chacun de ces panneaux s’étale la signature Carpathius et vraiment il serait charmant de penser que ce furent là les premiers amusements de Carpaccio.

Ruskin s’est laissé séduire par cette idée et M. Maurice Barrès s’est livré dans cet oratoire presque ignoré à l’une de ses précieuses méditations. Pourtant, bien que l’esprit y soit incliné, l’authenticité de ces essais n’est pas hors de discussion.

La multiplicité même des signatures reste suspecte et M. Pompeo Molmenti, qui avait d’abord été entrainé, s’est ravisé par la suite.

Sainte Alvise se présente donc à nos yeux comme une de ces traditions dont on ne saurait affirmer l’inanité, mais qui sont trop aimables pour être rejetées résolument.